Autodérision au travail : votre humour vous dessert-il ?
Au bureau, vous avez peut-être pris l’habitude d’utiliser votre humour grinçant contre vous-même, persuadé que cette capacité serait appréciée comme une qualité ? Et si cela au contraire vous portait préjudice ? Découvrez en quoi l’autodérision peut vous nuire et 5 trucs pour vous corriger si vous avez tendance à y recourir trop souvent.
Vous arrive-t-il souvent de vous moquer de vos propres défauts, voire de vous traiter vous-même de blonde ? Vous n’arrivez pas à ouvrir un sas avec votre badge ? Vous avez deux mains gauches ! Vous vous perdez dans le dédale d’un immeuble plein de couloirs ? Vous êtes une handicapée de l’orientation ! Avez-vous remarqué que cette sorte d’humour est très peu répandue dans la culture masculine ? Lorsque votre collègue Pierre se perd dans un couloir, il sera plus enclin à pester contre l’absence d’indications que contre lui-même et quant au sas qui lui résiste, il déclarera probablement que son badge est démagnétisé ou que le système est mal étalonné.
Bien sûr il y a des hommes qui pratiquent l’autodérision, Woody Allen en est un bel exemple, mais en entreprise, la majorité des hommes utilisant l’humour pour se mettre en valeur ou se moquer des autres, toute autre forme d’humour risque d’être mal interprété.
Lorsque vous vous traitez humoristiquement d’étourdie ou d’incompétente, vos collègues rient avec vous, mais ils retiennent quand même que vous n’êtes pas très douée.
D’où vient cette propension des femmes à pratiquer l’autodérision et comment faire pour éviter d’y recourir en situation professionnelle ? Il y a deux raisons pour lesquelles les femmes manient l’humour de manière différente des hommes.
Ce qui est dit est plus important que ce qui est fait
La première raison est liée à nos différences de valeurs. Dans la culture féminine, pour être amies, il faut montrer à l’autre qu’on l’apprécie. Dans la culture masculine, pour être amis, il faut faire des choses ensemble. Écoutez des enfants jouer dans une cour d’école. Les garçons jouent en s’interpellant bruyamment avec des sobriquets affectueux du type « gros tas », « ducon », « bâtard ». Les filles jouent en s’appelant par leurs prénoms. De même au bureau, vous entendrez peut-être deux hommes se saluer d’un « Salut Pierre, toujours aussi chauve ? », suivi d’un « et toi, toujours aussi con ? » avec de bons gros rires complices.
Imaginez maintenant deux femmes se disant « Salut Estelle, toujours aussi grosse ? » « Et toi, toujours aussi mal coiffée ? », l’ambiance n’est pas la même ! Dans la culture féminine, une bourrade sur l’épaule ou un geste affectueux ne compensera jamais un propos insultant car ce qui est dit est plus important que ce qui est fait.
Modestie et l’obéissance dans l’éducation des filles
La deuxième raison est liée à l’éducation. Même si les choses évoluent, il
reste des traces de l’éducation à l’ancienne dans la façon dont nous éduquons
nos enfants. Relisez Les petites filles modèles de la Comtesse
de Ségur, vous y trouverez l’importance accordée à la modestie et à
l’obéissance dans l’éducation des fillettes. Devenues adultes, beaucoup de
femmes éprouvent des difficultés à se mettre en avant, à parler de leurs
qualités ou simplement à croire en leur propre valeur. Elles développent
fréquemment deux complexes : le complexe d’imposture « je ne suis pas à la hauteur,
un jour ou l’autre on va s’en apercevoir » ou le complexe de détestation «si je
réussis trop, on va me détester ».
L’autodérision est alors un réflexe de défense : je me moque de moi-même parce
que j’ai une faible opinion de ma personne et je me critique pour éviter que
les autres le fassent. Ou bien je me moque de moi-même pour atténuer ma
puissance de manière à ce que les autres ne me prennent pas en
grippe.
Les deux stratégies sont aussi vaines l’une que l’autre. La personne doutant
d’elle-même risque de détruire son image par son humour caustique et celle
voulant éviter que ses collègues ne l’envient risque de passer pour une
manipulatrice qui fait semblant d’être faible alors qu’elle est forte.
Cinq trucs pour ne plus être desservie par votre humour au bureau
Pour ne plus être
desservie par votre humour au bureau, vous pouvez appliquer la méthode suivante
:
1. Prenez conscience de l’importance de votre tendance à faire de
l’autodérision. Au besoin interrogez vos collègues amis et repérez les mots que
vous employez quand vous vous qualifiez négativement.
2. Réfléchissez à l’intention qui vous anime quand vous prononcez
ces mots.
3. Si vous pensez sincèrement manquer de certaines qualités, listez
les faits concrets qui le prouvent et cherchez s’il n’y a pas des faits
concrets qui prouveraient le contraire. D’accord vous vous êtes perdue dans
l’immeuble de votre client mais vous avez quand même réussi à retrouver votre
voiture garée dans un dédale de rues loin de l’immeuble. Vous n’êtes peut-être
pas si nulle que vous le pensez, vous avez simplement un sens de l’orientation
normal, c’est-à-dire pas infaillible. Vous pourrez alors rire de votre
désorientation sans éprouver le besoin de vous dénigrer en disant par exemple «
alors là ces couloirs ont eu raison de ma boussole interne, j’en ai perdu le
Nord ! ».
4. Si vous êtes tout à fait rassurée sur vos capacités mais pensez
qu’on vous aimera mieux si vous vous rabaissez, demandez-vous si cette
stratégie vous a durablement réussi par le passé. La fausse modestie ne trompe
personne. Ce n’est pas parce que vous soulignez que vous êtes malhabile de vos
mains que vos collègues digèreront mieux votre promotion. Au mieux ils ne
feront aucun rapport entre les deux, au pire ils se diront qu’en plus cette
boîte donne des promotions à des manchots. La meilleure façon d’aider les
autres à accepter votre statut ou votre compétence c’est de l’assumer. Et si
vous voulez vraiment vous attirer la sympathie d’un collègue, au lieu de lui
parler de vous et de vos 2 mains gauches, demandez-lui simplement de vous aider
et félicitez-le pour sa dextérité.
5. Rappelez-vous enfin que dans autodérision, il y a « auto ».
C’est-à-dire que votre humour que vous voulez modeste et sympathique est en
fait centré sur votre petite personne et donc pas si altruiste que cela.
En résumé, rien ne vous empêche de vous moquer brièvement et légèrement de
vous-même lorsque vous commettez une erreur, mais réagissez si vous avez pris
l’habitude de pratiquer un humour dévalorisant car cela ne vous attirera aucune
sympathie et risque de nuire gravement à votre image
professionnelle.